Quelle efficacité pour les programmes de préparation à la scolarité ? L’expérience du Karnataka et du Gujarat

Ecrit le 29 mai 19 par Snigdha Serikari
Développement de l'enfant

 

Ce blog a été publié pour la première fois en mars 2019 sur le site de la fondation Central Square (en anglais).

Des recherches poussées en développement de l’enfant et en neurosciences ont montré que les cinq premières années de la vie d'un enfant jouaient un rôle crucial dans son développement tout au long de la vie. Plus particulièrement, il est essentiel qu'avant leur entrée en première année d’enseignement formel, les enfants aient acquis les compétences cognitives ainsi que les compétences préscolaires en lecture, écriture et calcul dont ils ont besoin pour réussir au sein de l’environnement scolaire, qui est très différent de l’environnement domestique. Désignées sous le terme générique de « préparation à la scolarité », ces compétences incluent la capacité à être attentif en classe, à suivre des consignes, à interagir avec ses pairs, à identifier certaines formes et couleurs, à reconnaître des motifs, à associer des lettres de l’alphabet à leur son, à dénombrer, et même à apprendre à tenir un crayon. 

Malheureusement, la plupart des enfants indiens ne maîtrisent pas ces compétences clés lorsqu’ils entrent à l’école. En Inde, la préscolarisation n’est toujours pas généralisée : le programme ICDS (services intégrés de développement de l’enfant) du ministère de la Femme et du Développement de l’enfant est celui qui touche le plus d’enfants de 3 à 6 ans, puisqu’il prend en charge environ 37 millions d’enfants répartis dans 1 340 000 anganwadis (services de garde d’enfants). Cependant, l’éducation des jeunes enfants n’est que l’une des six fonctions (et sans doute la moins prioritaire) d’une personne travaillant dans un anganwadi. Il existe un secteur privé en plein essor dans ce domaine, mais il n’est pas réglementé et les services qu'il propose sont loin d'être adaptés. 

À long terme, il est évident que l’Inde doit généraliser un système de préscolarisation de qualité en associant différents mécanismes. Toutefois, vu les contraintes fiscales et politiques, plusieurs années seront probablement nécessaires pour mettre en œuvre une telle solution. Dans l’immédiat, pour doter les enfants de compétences de préparation à la scolarité à leur entrée en première année, on pourrait envisager de proposer un programme de préparation à la scolarité (SRP) accéléré.

Il s’agirait essentiellement d’un programme de 40 jours suivi par les élèves dès le début de leur première année scolaire. Son but serait de permettre à l’enfant d’acquérir les compétences nécessaires pour s’adapter à un environnement scolaire et pour suivre le rythme du programme de l’école primaire.

En se fondant sur des données préliminaires positives issues de programmes similaires en Éthiopie et au Cambodge, la fondation Central Square a entrepris de piloter un programme SRP accéléré dans deux États indiens. Plus de 5 000 enfants de première année étaient concernés. Nous avons harmonisé les objectifs du programme avec deux gouvernements d’États, le Karnataka et le Gujarat, trouvé de solides partenaires techniques pour élaborer les programmes et former les enseignants (la fondation Akshara au Karnataka et l’UNICEF au Gujarat) et fait appel à une agence indépendante de suivi et d’évaluation pour réaliser une évaluation avant et après le programme. 

Brève présentation du programme SRP accéléré au Karnataka et au Gujarat 

Brève présentation du programme SRP accéléré au Karnataka et au Gujarat

Comme prévu, un certain nombre de difficultés ont émergé lors de la mise en œuvre de la première partie du programme et d’importants enseignements ont pu en être tirés en vue de futures interventions. Nous avons notamment pris conscience qu'il fallait absolument communiquer de manière claire et cohérente avec les enseignants, les chefs d’établissement et les administrateurs afin de les aider à mieux comprendre la nécessité de ce programme et le rôle qu’ils étaient censés jouer. Comme cela n’a pas été fait, le programme SRP n’a pas été suffisamment intégré aux programmes scolaires respectifs de première année. Par ailleurs, la gestion de classe, les heures d’enseignement et, par conséquent, la durée du programme en fonction des classes étaient variables. Cependant, grâce à des groupes WhatsApp d’apprentissage entre pairs pour les enseignants et à un suivi régulier de la mise en œuvre en classe par des représentants de l’État, le programme a pu se dérouler sans accroc dans la plupart des écoles. Les enseignants en ont largement tiré profit, et les retours sur la formation ont été très positifs. La plupart des enseignants ont eu l'impression que les niveaux de participation en classe avaient considérablement augmenté et qu’à la fin du programme, de nombreux enfants se sentaient suffisamment à l’aise pour s’exprimer. Une enseignante de Hassan, au Karnataka, a affirmé qu’elle avait trouvé que les élèves étaient curieux d’apprendre, se souvenaient de toutes les leçons et avaient fortement apprécié les activités qu’elle avait menées dans le cadre de ce programme. 

Students participating in activities as part of the SRP program in a classroom in Hassan, Karnataka
Des élèves participent à des activités dans le cadre du programme SRP dans une classe de Hassan, au Karnataka

Les scores obtenus à l’évaluation avant et après le programme étaient également encourageants. Les enfants ayant participé au programme de préparation à la scolarité ont obtenu des scores largement plus élevés que le groupe témoin, qui n’avait pas participé au programme, pour les exercices d'initiation au calcul et à la lecture-écriture. Au Karnataka, par exemple, les scores de développement cognitif étaient supérieurs d’environ 18 %.

Évolution positive des scores de développement cognitif 

Karnataka saw a 17.8% change in cognitive development scores in comparison to the control group
Au Karnataka, une évolution positive de 17,8 % a été constatée pour les scores de développement cognitif en comparaison avec le groupe témoin. 
Gujarat saw a 10% positive change in cognitive development scores in comparison to the control group
Au Gujarat, une évolution positive de 10 % a été observée pour les scores de développement cognitif en comparaison avec le groupe témoin. 

Les programmes pilotes initiaux ont apporté quelques éclairages intéressants pour savoir comment piloter une intervention de qualité en utilisant les dispositifs déjà en place dans l’État et pour mieux comprendre les défis potentiels du déploiement d'un tel programme. Ce travail peut encore être approfondi afin de déterminer la composition idéale du programme d’étude d'un SRP accéléré, les outils proposés, les techniques d’échantillonnage et les techniques d’évaluation. Par exemple, les scores initiaux obtenus par les élèves en motricité étaient bien plus élevés (85 %) que les autres, et n’ont que faiblement augmenté après le programme. Cela montre qu'il faut s’intéresser davantage au développement des compétences cognitives et des compétences préscolaires en lecture-écriture des élèves qu’à leur développement physique. 

Student assessment being conducted in Gujarat as part of the post-SRP program evaluation
Évaluation des élèves menée au Gujarat dans le cadre de l’évaluation à la fin du programme SRP

Si les discussions au sujet du programme doivent se poursuivre, les données préliminaires et les retours des partenaires sont prometteurs. Il est clair qu’un programme de préparation à la scolarité accéléré a tout ce qu'il faut pour être une solution peu coûteuse et capable de combler les lacunes en matière de préparation à la scolarité chez les enfants à leur entrée en première année. La fondation Central Square a pour objectif de prendre en compte ces enseignements au sein d’un pilote de plus grande ampleur l’année prochaine, afin d’obtenir des données plus rigoureuses sur l’efficacité de cette démarche.

 

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