Dans le monde entier, la fermeture des écoles en raison de la pandémie de COVID-19 a conduit les pays à expérimenter des mesures novatrices dans leur système éducatif, notamment concernant le mode d’évaluation des élèves. Cette situation soulève des questions intéressantes sur l’avenir des évaluations des élèves dans le monde de l’après-COVID-19.
Pour répondre à la crise, de nombreux ministères de l’Éducation se sont tournés vers une série de stratégies existantes pour la préparation aux examens et leur mise en œuvre. Prolonger l’année scolaire, réduire le programme pour se concentrer sur l’essentiel, organiser des programmes d’apprentissage accélérés ou utiliser des évaluations normalisées pour mesurer les pertes d’apprentissage… Voici quelques-unes des mesures existantes appliquées à grande échelle par les pays pour que les élèves puissent continuer à apprendre.
Mais des solutions inédites ont également été mises en œuvre. Par exemple, le ministère de l’Éducation des Émirats arabes unis a approuvé la « méthode intelligente de mesure » pour évaluer les résultats scolaires des élèves. Elle consiste à utiliser les programmes d’intelligence artificielle les plus récents pour associer les évaluations à des processus d’apprentissage intelligents. Des pays tels que le Cambodge, l’Estonie et le Myanmar ont eu partiellement recours à l’évaluation en ligne pour les examens finaux. On ignore si ces solutions auront toujours leur place dans les prochaines stratégies éducatives nationales, mais les enseignements qui en seront tirés pourraient aider les systèmes éducatifs à renforcer leur résilience.
Toutefois, les solutions visant à remplacer les examens nationaux en présentiel ne vont pas sans difficulté, notamment du point de vue de l’équité. Les évaluations en ligne et à distance peuvent accentuer les disparités, non seulement lorsqu’il existe une fracture numérique, mais aussi quand l’environnement d’apprentissage des élèves à la maison n’est pas optimal ou quand ils ne peuvent pas compter sur un soutien parental pour leurs apprentissages.
Avec la crise, le débat sur les avantages respectifs des examens à enjeu élevé par rapport au contrôle continu pourrait se poser de manière plus pressante. D’après les résultats du sondage en ligne organisé dans le cadre du débat, il semblerait que, selon les participants, la crise conduira à un recours plus fréquent au contrôle continu pour les évaluations finales des élèves.
Les partisans du contrôle continu comme ceux qui lui préfèrent des évaluations à enjeu élevé invoquent la question de l’équité pour défendre leur position. Selon les tenants du contrôle continu, lorsqu’il est mis en œuvre de manière régulière tout au long de la scolarisation, il est plus inclusif, car il limite la perte potentielle de compétences en situation de crise (World Education Blog, 20 mars 2020). Les partisans des examens à enjeu élevé soulignent que ces évaluations, en réduisant le risque de favoritisme, augmentent les possibilités éducatives offertes aux élèves issus de milieux défavorisés (Liberman et al., 2020). Ils remettent en cause le bien-fondé du contrôle continu en raison des difficultés d’harmonisation des processus d’apprentissage et d’évaluation entre districts ou entre écoles.
Le caractère potentiellement inégalitaire du recours à des évaluations par les enseignants ou à des prévisions de notes (utilisées dans de nombreuses procédures d’admission lorsque les résultats finaux ne sont pas encore disponibles) au lieu de faire passer des examens est apparu de façon flagrante, par exemple au Royaume-Uni. En effet, les résultats des évaluations pourraient être liés à des facteurs tels que le genre, l’origine ethnique ou le milieu socioéconomique, et pénaliser ainsi les élèves défavorisés, dont les prévisions de notes sont souvent inférieures aux résultats réels (Ofqual, 2020).
Enfin, la crise a accéléré la prise de décision concernant des politiques qui étaient souvent considérées comme controversées. Les participants venant de France ont expliqué qu’une réforme en cours, qui donne plus de poids aux évaluations formatives dans l’examen final des élèves, a été réalisée à la hâte lorsque les examens finaux ont été annulés cette année. La manière dont la crise influera sur les politiques publiques est une question qui mérite plus d’attention.
La fermeture massive des écoles pourrait être un moment propice pour apporter des changements, car les décideurs en matière d’éducation ont pu tester de nouvelles approches qui avaient été difficiles à mettre en œuvre par le passé. Cette nouvelle réalité est aussi l’occasion de se demander pourquoi nous évaluons les élèves. Nos participants ont fait valoir que les systèmes éducatifs devaient s’attacher avant tout à évaluer la capacité des élèves à utiliser leurs connaissances, plutôt que leur connaissance du contenu des cours.
Avec la crise du COVID-19, ces questions sont revenues au premier plan. Il appartient désormais aux gouvernements nationaux de poursuivre ces discussions sur les objectifs généraux de l’évaluation, et de déterminer si ces nouveaux projets d’évaluation sont durables et pourraient apporter des avantages à plus long terme aux apprenants.
Cet article est l’une des notes d’actualité rédigées après le forum en ligne de l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) sur « la planification et la gestion de l’éducation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 », qui s’est tenu d’avril à juin 2020, avec le soutien financier d’Education Above All (EAA) et du Service des Instruments de politique étrangère de l’UE (Service des IPE). L’ensemble de ces notes est disponible (en anglais) sur le site Internet d’Éducation à la sécurité, la résilience et la cohésion sociale.