Avantages et inconvénients des évaluations des acquis

Ecrit le 02 Juil 17 par Catherine Honeyman

Les évaluations des acquis sont considérées comme un élément essentiel pour mesurer et améliorer la qualité des systèmes éducatifs ; or, certaines soulèvent également de sérieuses préoccupations. La controverse au sujet de l'évaluation Territory Wide System Assessment, de la région administrative spéciale de Hong Kong, illustre les problématiques qui sont en jeu.

Il est désormais admis que les acquis des élèves doivent être évalués afin de pouvoir estimer et améliorer la qualité des systèmes éducatifs au fil du temps. La plupart des pays du monde appliquent une ou plusieurs formes d'évaluation et d'examen, à différentes étapes du parcours éducatif (cf. le catalogue de l'Institut de Statistique de l'UNESCO sur les mesures des acquis de l’apprentissage). Il existe une multitude de programmes et outils d'évaluation, régionaux et internationaux, et l'on recueille déjà des données sur les indicateurs internationaux afin de mesurer la progression en direction des Objectifs de développement durable, sur la base d'indicateurs tels que le niveau de compétence en lecture et en mathématiques, ou les compétences de base en informatique.

Pourtant, certains acteurs de l'éducation opposent une résistance farouche à l'utilisation croissante des évaluations des acquis. Les opposants avancent qu’une trop grande dépendance à l’égard de ce type d’évaluations restreint l'expérience éducative, met une pression trop forte sur les élèves et amoindrit leur goût naturel pour l'apprentissage et, malgré des progrès en matière de mesure, peut finalement ne donner qu’une vision très limitée de nombreux aspects importants de la qualité de l'éducation.

Il a souvent été soutenu que les évaluations sans enjeux permettent de dissiper nombre de ces inquiétudes, en offrant simplement un aperçu de la qualité dans un échantillon d'élèves, sans associer directement de récompense ou de punition à ces résultats. Néanmoins, dans de nombreuses régions, même les évaluations qui ne comportent pas d'enjeux font l'objet d'un débat public houleux. C'est le cas par exemple de la controverse sur l'évaluation appelée Territory-wide System Assessment (TSA), de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine.

« La TSA, en dominant l'apprentissage et l'enseignement ainsi que les modalités de test et d'examen dans les écoles, a entraîné une métamorphose de l'éducation. »

Dr. Kenneth Chan Ka-lok, membre du Conseil législatif de la région administrative spéciale de Hong Kong

« La TSA est la seule évaluation du primaire à pouvoir fournir des données objectives, complètes et de qualité sur les compétences de base à l'échelle territoriale. »

 M. Eddie Ng Hak-kim, secrétaire  à l'Éducation de  la région  administrative spéciale de Hong  Kong

Les extraits de discussions tenues au Conseil législatif de la région administrative spéciale de Hong Kong ci-dessous illustrent la controverse au sujet de la Territory-wide System Assessment.

 

Dr. Kenneth Chan : préoccupations du public au sujet de la Territory-wide System Assessment

« Actuellement, les élèves de la 3e et de la 6e année du primaire ainsi que ceux de la 3e année du secondaire doivent tous passer l'évaluation TSA (Territory-wide System Assessment), administrée par le Bureau de l'Éducation. L'objectif de la TSA est d'évaluer l'acquisition des compétences de base des élèves dans trois matières, le chinois, l'anglais et les mathématiques, à différents niveaux, dans le but d'améliorer l'apprentissage ainsi que l'enseignement. Cependant, certains parents et groupes concernés par l'éducation ont remarqué que certains établissements entraînaient leurs élèves dans l'optique d'obtenir de bons scores à la TSA, une pratique qui met beaucoup de pression sur les enseignants, les élèves et les parents. De la même manière, en dominant l'apprentissage et l'enseignement ainsi que les modalités de test et d'examen dans les établissements, la TSA a entraîné une métamorphose de l'éducation. Ils demandent donc au Bureau de l'Éducation de supprimer la TSA.

Dans ce contexte, le Gouvernement pourrait-il dire au présent Conseil […] s'il a l'intention de mener une vaste consultation auprès des enseignants, des parents, des élèves et du grand public afin de recueillir leur avis sur la réalisation et la future direction de la TSA, et de décider, suivant les conclusions de cette consultation, de supprimer ou de conserver la TSA ? Si c'est le cas, pourrait-il faire part des détails de cette exercice de consultation ? Si ce n'est pas le cas, de ses raisons ? »[1]

M. Eddie Ng Hak-kim, secrétaire à l'Éducation : défenseur de la TSA

« Les données de cette évaluation territoriale aident le Gouvernement à revoir ses politiques et à apporter un soutien ciblé aux établissements, et ces derniers peuvent utiliser le rapport qui leur est destiné pour établir des plans afin d'améliorer l'apprentissage et l'enseignement. La TSA est une évaluation aux enjeux mineurs qui ne s'intéresse pas aux résultats individuels des élèves. Elle n'affecte pas non plus la progression dans le parcours éducatif ni l'attribution de places ou l'admission en première année du secondaire. Les données ne servent pas à classer ni à hiérarchiser les établissements. Ce n'est pas non plus un indice de mesure des établissements en vue d'imposer leur fermeture. Ces cinq aspects sont très clairs.

[…] Depuis la mise en place de la TSA en 3e année du primaire en 2004, le Bureau de l'Éducation et l'Autorité chargée des examens et des évaluations de Hong Kong (HKEAA) ont toujours été à l'écoute des avis et des suggestions des différentes parties prenantes au sujet de la TSA, notamment de leurs préoccupations quant à la charge de travail des enseignants et à l'impact de cette évaluation sur les établissements et les élèves. […] Globalement, les parties prenantes reconnaissent l'intérêt des données de la TSA pour l'apprentissage et l'enseignement. Cependant, nous savons que des parents et des groupes liés à l'enseignement ont récemment soulevé des inquiétudes quant à l'entraînement intensif pratiqué dans certains établissements en préparation de la TSA. En raison de la situation des différents établissements, certains d'entre eux pourraient penser, à tort, que donner des tas de devoirs à la maison et des exercices supplémentaires d'entraînement pourrait consolider les apprentissages. Cela donne l'impression que cette culture de bachotage des établissements est le fait de la TSA. Il s'agit cependant de deux questions distinctes.

Le Bureau de l'Éducation a mis à jour et publié, le 31 octobre 2015, des circulaires et des directives sur les tests et les devoirs à la maison. Il est clairement indiqué dans la circulaire qu'en intégrant les objectifs du programme dans les activités quotidiennes d'apprentissage, en exploitant efficacement les différentes preuves des acquis des élèves (notamment celles obtenues hors tests ou examens) et en utilisant les outils appropriés pour suivre, consigner et rendre compte des résultats et des progrès des élèves en matière d'apprentissage, les enseignants doivent pouvoir concevoir des plans pédagogiques pour la phase d'apprentissage suivante sans qu'il soit nécessaire de modifier les approches d'enseignement, d'apprentissage ou encore d'évaluation en vue de la TSA. Dans cette circulaire, il est également rappelé aux établissements de formuler une politique appropriée concernant les devoirs et les évaluations. […]

La TSA est la seule évaluation du primaire à pouvoir fournir des données objectives, complètes et de qualité sur les compétences de base à l'échelle territoriale. Les tests ou examens internes des établissements ne peuvent la remplacer. La décision de supprimer cette évaluation ne doit donc pas être prise à la légère. En outre, la TSA n'est pas une évaluation qui a lieu fréquemment. Elle est réalisée à la fin des grandes phases d'apprentissage, à savoir la 3e et la 6e année du primaire et la 3e année du secondaire. Autrement dit, les élèves du primaire ne vont y participer qu'une ou deux fois.

Les données de recherches locales et internationales indiquent que les difficultés d'apprentissage des élèves commencent normalement à se préciser à la 3e ou 4e année du primaire. Dans ce contexte, les enseignants peuvent utiliser les données de la TSA, grâce auxquelles ils connaissent le niveau d'acquisition des compétences de base des élèves, parallèlement aux données d'autres évaluations internes pour identifier les difficultés d'apprentissage et apporter rapidement les améliorations nécessaires dans les modes d'apprentissage et d'enseignement. Dans le cas contraire, l'écart entre bons élèves et élèves en difficulté va continuer de se creuser jusqu'à la 6e année du primaire. Des évaluations de cette nature ont lieu dans de nombreux pays, par exemple en Australie et au Canada, et même dans certains pays en développement. Nous croyons fermement dans la nécessité d'aider les élèves à partir sur de bonnes bases en leur apportant un soutien précoce. Supprimer la TSA en 3e année du primaire constituerait une régression à cet égard. »[2]
 

Dr. Kenneth Chan : en faveur de la suppression de la TSA en 3e année du primaire

« Alors que nous débattons actuellement dans ce Conseil de la suppression de la TSA (Territory-wide System Assessment) en 3e année du primaire, la consultation en ligne pour la suppression de cette évaluation a déjà reçu des réponses de plus de 76 000 membres du public. […] En ce qui concerne la remarque du Secrétaire quant au fait que le Bureau a déjà publié des directives pour rappeler aux établissements de ne pas pratiquer de « bachotage », je pense que c'est tout simplement absurde. Même les élèves des écoles primaires publiques doivent s'entraîner pour la TSA. Quel effort a fait le Secrétaire ? Les établissements et les autres personnes vont-ils suivre son conseil de ne pas bachoter ? Puisque tout le monde le fait, les enfants sont obligés de supporter cette pression. En fait, les élèves sont confrontés à ce problème dès la 1ère année du primaire. [… ] Les établissements scolaires vont continuer à faire leur classement et les organismes qui les financent vont continuer à les classer ou à les comparer. Les directeurs d'établissements, les parents et les enseignants vont prendre peur à la lecture des scores de la TSA. Ainsi, ils vont se voir obligés de stimuler les résultats des élèves.

[…] Dans un sondage d'opinion publique réalisé par le Civic Party, 70 % des personnes interrogées ont répondu par téléphone que la TSA avait contraint les parents, les enseignants, les établissements scolaires et les élèves à supporter une forte pression. De la même manière, 70 % des personnes interrogées étaient favorables à la suppression de la TSA en 3e année du primaire afin que les écoles aient plus de temps pour l'enseignement et les apprentissages, et que les enseignants, les parents, les élèves et les écoles puissent se concentrer sur leurs tâches au lieu de se consacrer à un entraînement intensif en vue d'atteindre les objectifs de la TSA ― puisqu'il existe effectivement des objectifs ― et de ne pas être mis en position d'échec vis-à-vis de ces objectifs.

[…] Le Civic Party demande aujourd'hui clairement à ce que la TSA de la 3e année du primaire soit supprimée. Si le Secrétaire estime que c'est une question d'une importance capitale, il pourrait envisager de la suspendre, dans un premier temps. Il a déjà interrompu la TSA de 6e année du primaire et l’a mise en place tous les deux ans, dans l'attente de la revoir ultérieurement, en raison des plaintes des élèves de ce niveau qui subissaient une pression excessive et devaient faire trop de choses en même temps. Je dis aujourd'hui au Secrétaire que les élèves de 3e année du primaire supportent eux aussi une pression trop lourde et que la TSA de 3e année du primaire devrait également être suspendue.

[…] Même sans TSA, les écoles primaires ont toujours des systèmes d'évaluation interne et externe ; même sans TSA, les écoles primaires organisent toujours régulièrement des tests et des examens et peuvent toujours assurer un bon enseignement et de bons apprentissages. M. Eddie NG pourrait-il laisser faire les pédagogues, qui connaissent bien leur travail ? Nous pouvons bien nous en sortir, même sans TSA. Laissez les enseignants, les parents et les élèves vivre sans stress la tradition et l'esprit de la vraie éducation ».[3]

Compromis : une période d'essai pour la TSA

En 2016, le Conseil de l'éducation de Hong Kong a accepté les recommandations d'un comité de coordination sur l'évaluation des compétences de base et les connaissances en matière d'évaluation, qui préconisait de mettre en place une « étude d'essai » de la TSA dans un petit nombre d'établissements scolaires. Les objectifs de cette étude, a expliqué M. Eddie Ng Hak-kim, sont :

i. « d’indiquer si les rapports et le contenu de la TSA, revus d'après les recommandations d'amélioration du groupe de travail, permettraient d'en confirmer la fiabilité et la validité, tout en correspondant aux compétences de base attendues des élèves de 3e année du primaire par rapport au programme et à l'apprentissage des élèves ;

ii. de voir si des formats de présentation différents pourraient être adaptés aux besoins des différentes écoles ;

iii. de renforcer l'application de mesures de soutien professionnel pour les établissements concernant la politique relative aux devoirs, les connaissances en matière d'évaluation, l'amélioration de l'enseignement et de l'apprentissage (par exemple avec la promotion de la lecture) ainsi que la TSA au cours de l'essai. Il faudrait également renforcer l'éducation du public afin que les parties prenantes aient une meilleure connaissance de la TSA et du concept d'« évaluer pour apprendre », dans l'optique d'améliorer la qualité de l'éducation.

iv. de faire le suivi, au niveau territorial, de l'acquisition des compétences de base par tous les élèves en chinois, en anglais et en mathématiques et de fournir des données en continu pour d'autres études dans ce domaine ;

v. de démontrer en toute bonne foi la nature non déterminante de la TSA et le fait qu'elle ne met aucune pression sur les organismes de financement des établissements, les établissements ou les parents ; et d'encourager la confiance réciproque par la participation, le partage et la collaboration pour promouvoir une éducation de qualité en vue de faciliter l'apprentissage des élèves de façon efficace et agréable. »[4]

Le débat se poursuit au sujet de l'évaluation TSA de la région administrative spéciale de Hong Kong et de sa culture des examens au sens plus large. Cela illustre les tensions entre l'évaluation des aspects clés de l'apprentissage et les transformations - positives et négatives - de la pratique de l'apprentissage qui peuvent avoir lieu suite à cette évaluation.

Articles de presse

1. South China Morning Post: 90% of Hong Kong schools may be exempted from controversial test - but parents are still worried
www.scmp.com/news/hong-kong/education-community/article/1903911/90-hong-kong-schools-may-be-exempted

2. Young Post: Hong Kong’s TSA isn’t going anywhere, but it might get simpler
http://yp.scmp.com/news/hong-kong/article/102047/hong-kongs-tsa-isnt-going-anywhere-it-might-get-simpler

3. China Daily Asia (Opinion): TSA no worse than any test
www.chinadailyasia.com/opinion/2016-02/05/content_15383143.html

4. Young Post (Opinion): The TSA is just a symptom of Hong Kong's sick education system
https://yp.scmp.com/over-to-you/op-ed/article/101878/tsa-just-symptom-hong-kongs-sick-education-system

5. The Standard: Schools invited to TSA trials seem happy to do so
www.thestandard.com.hk/section-news.php?id=166916

6. South China Morning Post: Hong Kong parents say pushing children too hard doesn't work
www.scmp.com/news/hong-kong/article/1460601/hong-kong-parents-say-pushing-children-too-hard-doesnt-work

References

[1] Excerpts from the transcript of a Legislative Council meeting, included in a press release from November 4, 2015 and accessed on August 30, 2016.
www.info.gov.hk/gia/general/201511/04/P201511040532.htm

[2] Excerpts from the transcript of a Legislative Council meeting, included in a press release from November 4, 2015 and accessed on August 30, 2016.
www.info.gov.hk/gia/general/201511/04/P201511040532.htm

[3] Excerpts from the transcript of a November 25, 2016 Legislative Council meeting, accessed on August 31, 2016.
www.legco.gov.hk/yr15-16/english/counmtg/hansard/cm20151125-translate-e.pdf#nameddest=orq

[4] Excerpts from the transcript of a February 24, 2016 Legislative Council meeting, accessed on August 31, 2016. www.info.gov.hk/gia/general/201602/24/P201602240642.htm

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